Extrait du roman "Une Femme De Ménage" de Christian Oster aux editions de Minuit ******************************************************************* Ces 2 pages (partie infime de l'ouvrage) sont présentées ici dans l'unique but de persuader et donner envie à l'internaute de se procurer le roman original, par ailleurs acquis par le rédacteur de l'article. Aucune inclinaison mercantile ne saurait être reprochée, c'est tout au contraire une volonté de promotion de l'oeuvre qui prévaut dans cette démarche. L'intégralité de ces textes sont la propriété de l'auteur Christian Oster et Les Editions De Minuit pour la parution française. Merci de ne les utiliser en aucun cas avant de s'être procuré le livre. ******************************************************************* J'avais pris une femme de ménage. Elle était entrée dans ma vie comme ça, parce que j'avais tiré sur une petite languette, à la pharmacie. C'était la dernière des six qu'elle avait prédécoupées au bas de son annonce, scotchée sur la vitrine. Une petite languette de papier verticale, avec les huit chiffres superposés de son numéro de téléphone. Toutes les languettes qui m'eussent intéressé, sauf la sienne, sa petite dernière, donc, avaient été arrachées. Et je m'étais dit qu'il était grand temps que je m'y arrête devant cette vitrine. L'annonce, de type généraliste, concernait des heures de ménage et de baby-sitting. Je ne l'aurais pas prise pour baby-sitter, celle-là, bien sûr. Non que ce soit un métier, baby-sitter, mais tout de même. Je n'imaginais point qu'on pouponnât en passant l'aspirateur. en revanche, je voulais bien qu'une baby-sitter discutable, mal capable de lâcher son chiffon pour prévenir un pleur, fît chez moi un peu de ménage, oui. Ca ne raiera pas spécialement mes meubles, m'étais-je dit. Et ça ne tuera pas l'enfant que je n'ai pas fait à Constance. Parce que c'est à cause de Constance, tout ça. Sans elle, je n'aurais jamais tiré sur cette languette. J'avais attendu six mois. Six mois sans ménage, six mois sans Constance. Une femme qui m'avait occupé l'esprit et le coeur, sans cesse, et qu'il me suffisait de voir ou d'évoquer pour me dire que la vie avait une forme. D'où l'inutilité de ranger, désormais, chez moi. De maintenir l'ordre. De passer l'aspirateur. Du temps de Constance, au reste, je ne voyais pas la poussière, c'est elle qui m'avait montré, un jour. Avec l'index, sur le dessus d'une commode. Difficile de nier. D'accord, avais-je dit. Et j'avais passé l'aspirateur. Puis repassais. Je detestais. Constance aussi. On detestait passer l'aspirateur, tous els deux. On s'aimait. Et il y a ce jour où ça s'arrête. On ne pense plus à elle. Plus de la même façon. C'est une femme lointaine, maintenant, une femme du passé dont l'image, oui. S'estompe. Ce qu'elle nous laisse, maintenant, c'est, oui. Evidemment. Une vide. Un vide infiniment pénible et triste, mais un vide, seulement. Pas une forme, pas quelque chose qui blesse, qui bouge et qui en bougeant blesse, comme un corps à l'intérieur du corps, et qui donnerait des coups de coude. Plus rien qu'un vide, une plaie refermé sur du vide. Et on vit avec. On s'y fait. On est juste moins fort, moins musclé, maintenant. Avec un peu de graisse autour de ce vide, donc. Parce qu'on mange mieux. Davantage. D'où les miettes, dans la cuisine. Qu'on finit par remarquer, même. Parce que ça suffit.