BLANCHE
Quinze ans plus tard, cette dernière est plus que jamais obnubilée par sa vengeance. Avec l'aide de la meute de malfrats et de brigands qu'elle mène d'une poigne de fer, elle pille un convoi très précieux pour son vieil ennemi. La cargaison est pour le moins originale, une poudre orange en provenance directe d'Amérique du Sud, pompeusement nommée "poudre du Diable". Dans la cargaison, une mystérieuse lettre codée dont seul l'espion Bonange détient la clé. La tâche de Blanche se complique singulièrement lorsque ses actes mettent en branle le sommet de l'état, Son Eminence, la Reine Anne d'Autriche et le futur Louis XIV.
J'ai un bizness à faire tourner. Pour son troisième film après Les Démons De Jésus (1996) et Les Grandes Bouches (1998), Bernie Bonvoisin - ancien chanteur du groupe Trust - a tenté l'expérience éculée et convenue du pastiche, d'un joyeux patchwork anachronique et décalé où époques et langages se télescopent fougueusement avec gouaillerie et fracas. Ce nouveau produit de la firme de Luc Besson n'a donc rien d'innovateur ou de corrosif : un genre et une verve déjà creusés avec bonheur par des cinéastes de tous horizons, un budget conséquent (15 Millions d'Euros) et une constellation de stars françaises, du monolithe Jean Rochefort, à la froide Carole Bouquet en passant par le trublion José Garcia. Pourtant le réalisateur-scénariste, ainsi conforté, souffre d'une carence gangreneuse : une absence maligne de compréhension ou de révérence envers les modèles ou poncifs de l'époque raillée. De Takeshi Kitano à Quentin Tarentino (voir même Jean Yanne pour l'humour cosmopolite et franchouillard), le détournement jubilatoire et novateur des codes va toujours de paire avec un respect intrinsèque servant une farce tendre et subtile, l'original toujours en filigrane, figure rassurante et gageure de la flamboyante anarchie. Ajoutons que pour les deux premiers cinéastes, cela s'appuie sur un indéniable sens de la mise en scène, du montage ainsi qu'une ingéniosité et une émulation constante. Dès lors, on comprendra que cette pochade se perd en vaines et calamiteuses incartades, en se revêtant des atours d'un western médiéval et en oubliant à chaque pas un scénario toujours plus accessoire, toujours plus rébarbatif à force d'ineptie et d'indigence. Il est d'autant plus consternant de penser que cette production qui se targue de révolution et de modernisme ne fut mise en chantier qu'à la suite du succès du Pacte Des Loups. Dans le marasme et l'incurie du montage et d'une réalisation en décalage constant avec son propos (les tremblements de la caméra derrière la cheminée, les scènes hallucinées et éprouvantes de bêtise des trips royaux, les travellings brutaux et malhabiles), la timide intrigue - dont on apprend interloqué qu'elle fera l'objet d'un roman aux éditions Fayard - finit de nous égarer corps et bien (Pourquoi Blanche et ses deux compères vont-ils toiser KKK ? Pourquoi ce dernier ne tue-t-il point les compagnons de l'héroïne ? Pourquoi ne l'exécute-t-il pas lors de sa capture et la ramène à contrario chez son père adoptif ? Sans parler du nébuleux code ou du commanditaire de Bonange, improbable dépositaire du secret de décryptage).
Exilé - piégé - dans un film bâclé, il ne nous reste que peu d'options, dormir, sortir ou tenter de savourer les quelques bons mots, reposant exclusivement sur l'achoppement du phrasé précieux et altier avec un argot gras et vulgaire, soi-disant contemporain. Alors certes, il y a quelques calembours graveleux - assonance entre "enculé de ta mère" et l'adjectif "amer", une enseigne d'auberge vous souhaitant la bienvenue |
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au sein de l'établissement "tracetarace" - ou haussement de tons qui provoquent un rire réflexe, sorti d'on ne sait où, mais de script intelligent et subtil, faisant appel à une quelconque once d'esprit, beaucoup moins. N'est pas Audiard qui veut, et la plupart des dialogues sonnent finalement creux, la propension à les entourer d'un vacarme assourdissant en accélérant l'action ne nous permet de toute manière - et sûrement à dessein - de n'en saisir qu'une partie. Remarquons aussi que s'ils font mouche c'est souvent grâce au charisme des acteurs qui les déclament. Ainsi le truculent Jean Rochefort se réserve les plus drôles, et le voir tout comme Carole Bouquet complètement à contre-emploi se gargarisant d'insanités peut faire sourire. Mais ce n'est que par leurs extraordinaires présences et abattage qu'ils soutiennent cette satire politico-religieuse faussement déjantée et véritablement vulgaire. Certes les dirigeants sont représentés vénaux, jouisseurs, inconséquents, mystiques ou enfantins mais le propos satirique se contente de montrer ces apparences sans en tirer la moindre leçon ou défendre la moindre thèse. La fibre sociale ou contestataire de Bernie Bonvoisin n'a pas résisté à ce retour vers le passé. Le reste des personnages se retrouvera de manière analogue catapulté aux confins de la caricature et du cabotinage pour ce qui est de Gérard Depardieu, le voir dans ce rôle apathique et auto-parodique est tellement lénifiant qu'il convient de n'en point rajouter. Quant au couple vedette d'une bluette inconsistante, ils rivalisent de transparence. L'actrice principale bénéficie d'un phrasé douteux en complète dissonance par rapport à ses partenaires. Enfin cela vaut sûrement mieux que Roshdy Zem qui lui traverse le film comme une ombre sans le moindre enthousisame. Ils sont peut-être les apologues de l'angoisse existentielle que semble vouloir dépeindre l'auteur. La
fille de D'Artagnan. Pour parachever cette parodie dérisoire
et futile, matinée d'une histoire d'amour navrante, le réalisateur
exprime furieusement son goût pour les paradis artificiels et
les substances psychotropes (un poudre orange qui orne le nez des
nantis). La défonce y est érigée en art, exacerbant
la jouissance sexuelle et les performances hors norme (la fameuse
bougie). Le roi brille alors d'une lueur magnifiée, les autres
ne peuvent que bronzer davantage ! Malheureusement, cette agitation
perplexe envahit l'histoire, au point que non seulement elle en devient
incohérente et protéiforme, mais surtout tombe dans
les travers qu'elle moque. En effet, il n'y a pas pire pour une uvre
censée travestir des clichés que de les utiliser, ainsi
la mort de Doriphore sonne avec son ralenti comme le plus éculé
des rebondissements d'un divertissement populaire. Le père
adoptif aimant et dévoué trouve la mort de la main de
l'immonde ennemi, très original. Quant aux moyens où
sont-ils dans la reconstitution de la cour ? Seulement 3 courtisanes
pour flatter le futur monarque (dont on nous dira de manière délicate
qu'elles mouillent leurs boîtes à ouvrage) c'est bien
peu pour la splendeur royale. Le risque de ce type d'entreprise est
de lasser le spectateur à force d'afféterie. Un sentiment
qui finit effectivement par nous submerger à chaque nouveau
calembour douteux, à chaque nouvelle violence gratuite (sang
à profusion, musique outrancière ou mouvements tremblants
et saccadés de caméra), bref à chaque preuve
d'un mauvais goût irritant et douloureux de médiocrité.
Pour reprendre la maxime du Cardinal, que le metteur en scène
suit dévotement, "le bien chez moi est un péché". |
F.
Flament
23 Septembre 2002 |
Multimédias
Bande-annonce
Photographies (19)
Fiche
technique
REALISATION, SCENARIO
Bernie
Bonvoisin
DECORS
Olivier Seiler
INTERPRETES
Lou Doillon (Blanche De Perronne)
Carole Bouquet Lla Reine de France)
Roschdy Zem (Bonange)
Jean Rochefort (Le Cardinal Mazarin)
Antoine de Caunes (le capitaine KKK)
José Garcia (Le Roi de France)
MUSIQUE
Michel Pretez
DIRECTEUR
PHOTOGRAPHIE
Bernard Cavalié
COSTUMES
Mimi Lempicka et Adélaïde Gosselin
PRODUCTEURS
Philippe
Rousselet et François-Xavier Decraene
DUREE
94
minutes
PRODUCTION
Les Films de la Suane, EuropaCorp Distribution, TF1 Films
SORTIE FRANCAISE
Le 18 Septembre 2002
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