LA GLOIRE DE MON PÈRE / LE CHÂTEAU DE MA MÈRE
Ces bribes de mémoire, florilège mousseux et empathique, sont étrangement dépourvues d’âge et ne se voient jamais engluées dans une époque bénie ou honnie, sûrement ce qui instille leur farouche et indéniable fraîcheur, joliesse ronde idoine à rassembler toute la cellule familiale autour d’un divertissement revigorant à l’interprétation jubilatoire. Ces deux longs métrages naturalistes peuvent en effet se targuer d’appartenir au cercle restreint de ces rares œuvres fédératrices et soignées – la croyance indéfectible à une narration attentive capte immédiatement, avec humilité, la sympathie – exemptes d’un racolage lénifiant grâce à un dosage de bénédictin entre sincérité, authenticité désuète et ingénieuse épure. La mise en scène privilégie ainsi l’essentiel aride et prosaïque des coteaux – exception faite d’un mouvement de caméra, pendulaire et caressant, qui introduit le personnage d’Augustine au faîte de sa féminité, en plein accouchement, épandant le souffle épique de l’œuvre, son historien omniscient – en s’émancipant de sa vocation d’enluminure ou d’écrin pour les envolées du célèbre conteur – qui hante ici les scories de ses textes sous les inflexions chantantes de Jean-Pierre Darras – pour se focaliser, au gré de la valse composée par Vladimir Cosma, sur des fragments tangibles d’un inventaire à la simplicité enfantine. Les joutes ludiques sur une conception démiurgique du monde sont ainsi contrebalancées par une propension compulsive et factuelle à entreposer les reliques étiolées (microbes, insectes, outils, végétaux hétéroclites linceul d’un «dormeur du val» fauché dans ses jeunes années…) dans un suaire joyeusement naphtaliné – ces lieux vides qui ouvrent le second opus et dont les césures sont peuplées de phrases et d’anecdotes. Par une concentration alerte sur les manifestations minimes, les ébréchures du mobilier ou les petits miracles quotidiens, se déploie sous nos yeux une topologie de l’innocence, de vallées studieuses en collines sublimes. Une sensation spatiale bourdonnante qui s’abat comme une vague picaresque et inendiguable sur la personnalité de chacun, jusqu’à emporter l’adulte (celui de La Gloire De Mon Père) dans l’enfance (qui s’approprie incidemment Le Château De Ma Mère) pour un ennoblissement étincelant – le soleil qui irradie la garrigue émouvante, la lumière d’une vie équivalant à l’aura maternelle réduite après sa disparition au crépitement incertain d’une ampoule frissonnante –, qui trouve son apothéose dans les maternelles roses du Roi et les paternelles perdrix, tout aussi royales.
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F.
Flament |
Films français d'Yves Robert (1990). Par un adepte attentif de la narration naturaliste, des biographèmes provençaux en écho alliant dans une humble tendresse truculence stridulante et émotion irrépressible. Sorties France : le 29 Août et le 26 Octobre 1990.
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