Combattre le Futur. 1899, New York. Un brillant professeur se prépare à demander la main de sa fiancée lors d'une promenade nocturne. Malheureusement, une tentative de vol va sceller le destin de la jeune femme. Au bord du désespoir, Alexander Hartdegen entreprend durant les 4 années suivantes l'élaboration d'une machine à voyager dans le temps pour changer les événements. Sa tentative échoue, on ne peut influer le passé. Mais pourquoi ? La réponse ne peut se trouver que dans le futur voir en l'an 800000.

LA MACHINE A EXPLORER LE TEMPS

Comment diable un arrière-petit-fils peut-il à ce point saccager l'œuvre de son illustre aïeul. Le respect se perd à n'en pas douter. HG Wells est certainement l'un des plus grands auteurs de science-fiction que nous ayons connu. Certains de le comparer à Jules Verne. Il ne pourrait croire à l'adaptation qui nous est présentée aujourd'hui (la disparition de la scène présente dans la bande-annonce où le héros expliquait le voyage dans le temps à un vieil homme ressemblant à l'écrivain est un aveu de honte et de contrition). En verrait-il même l'utilité ? Le roman a déjà fait l'objet d'un long métrage dans les années 60 par Georges Pal, et son aspect curieusement obsolète et presque hellénique lui conférait un charme désuet particulièrement attachant. Une iconographie légèrement empruntée que l'on pouvait rapprocher de l'ouvrage original forcément daté. C'est sans compter sur la machine Dreamworks, boulimique, qui lorsqu'elle n'a plus de sujets dans ses tiroirs entreprend de visiter les antiquaires et les bouquinistes.

Une simplification navrante. L'attrait principal du récit était de présenter une véritable réflexion politique et philosophique sur l'évolution et l'utopie. Propulsé au 800ème millénaire dans une guerre entre les impassibles et serviles Elois et leurs bourreaux anthropophages les Morlocks, le savant anglais perdait ses repères victoriens et en venait à se poser de véritables interrogations. Une métaphore type Eldorado à la Voltaire en somme. Ici, tout devient pénible, vide et tape à l'œil. Le scénariste a cru bon de transposer le citoyen anglais aux Etats-Unis, lui ôtant son assise politique, et d'ajouter une romance comme détonateur. Ces premières scènes n'ont aucune émotion, simples aplats excusant le voyage temporel, quant à l'ajout de lettres d'Albert Einstein, il est tellement anecdotique qu'il en devient risible. Lors de la seconde mort d'Emma, le héros est effondré, mais les spectateurs sont pris d'un rire franc et massif : le réalisateur débutant est à l'opposé de son sujet. Le passage en 2030 laisse un étrange goût de redondance, nous tenant consciencieusement la main. Il n'apporte rien si ce n'est la présentation de l'hologramme et l'explosion de la Lune. Quel besoin de connaître ce détail ? L'Homme serait responsable de son déclin, belle trouvaille. Le cheminement aurait été bien plus captivant si le scientifique avait rassemblé petit à petit les morceaux. Quant aux pseudos questions métaphysiques "universelles" qui abhorrent toutes réponses se terminant en un simple "et si ?" et une scène ridicule de Jeremy Irons, elles irritent plus qu'elles n'interpellent. L'inventivité et l'originalité de l'histoire ont complètement disparu au profit d'une simple ode à la résistance, de décors numérisés, d'une jungle sans âme de carte postale, d'effets spéciaux outrageusement présents, et d'une musique particulièrement envahissante.

Répulsion. Avec les moyens mis en œuvre, difficile d'excuser la laideur de chaque plan, le manque d'inventivité des décors (on nous dit que Steven Spielberg y a participé…), des monstres -les studios Winston avaient fait beaucoup mieux sur Predator- et des effets spéciaux qui rendent les voyages temporels et l'exposition de chaque nouveau lieu si pénibles. Le réalisateur ne semble maîtriser aucune séquence, ne parvenant pas une seconde à nous faire croire à un personnage ou à déclencher un sentiment d'espace et de
temps : un comble ! Les multiples plans sur horloges et montres n'arrangeant rien. Pas étonnant que Gore Verbinski soit venu lui prêter main forte pour terminer ce laborieux tournage. Quelques idées sont pourtant sympathiques comme l'hologramme, le design de la machine, les levers et couchers de soleil qui se mêlent ou encore la scène finale où au même endroit se jouent parallèlement deux scènes distantes de 800000 ans. Pas de chance pour le metteur en scène, ces quelques trouvailles ne font que mettre en exergue la pauvreté et la platitude du reste.
 

Le film se caractérise finalement par la synthèse de tous les défauts des longs métrages récemment sortis, c'est un sous Seigneur des Anneaux, un sous Planète des singes (les sauts des créatures sont la copie conforme des primates de Tim Burton)… il ne reste guère de place pour exprimer de quelconques qualités même puisées dans ces modèles. Nous touchons le fond avec l'apparition de Jeremy Irons. Jusqu'ici Guy Pierce (excellent dans Memento), était le seul acteur de charisme qui parvenait à surnager dans le marasme. On se met à espérer d'autant que le propos devient enfin sérieux, les Elois serviraient de nourriture et de procréateurs. L'humanité aurait évoluée à la suite d'un clivage. Mais l'origine de l'Uber-Morlock on ne la connaîtra pas précisément, même si l'hypothèse d'un croisement entre les deux races semble la plus plausible. Ses pouvoirs psychiques semblent inutiles. Son apparence albinos et les protubérantes prothèses n'ont aucun charme, aucune unité, l'acteur ne peut y exprimer la moindre émotion. Pourquoi est-il seul ? Et ses réflexions entre métaphysique et paradoxes temporels frôlent le néant tant elles se prennent au sérieux et accouchent d'une souris. Sans parler du décors de cette grotte, dont on ne saurait dire s'il respire le dépouillement, le dénuement ou la paresse. Alexander finit par le tuer, il arrive dans un futur, dont il devient le responsable, il ne le supporte pas, revient, détruit la machine pour tuer les Morlocks (la Terre est vaste, mais toutes les créatures devaient vivre là), et coule une existence heureuse dans un endroit qui lui convient. Une conclusion naïve, expéditive, niaise et sans aucune invention.

 

Du fait de son budget le long métrage reste un profond gâchis et une hérésie avec sa musique outrancière new age et son style hésitant, bâclé, paresseux, curieux hybride entre une publicité pour un certain gel douche et un épisode de série (Sliders : "Un monde de brume"). Pas qu'il s'agisse d'un très mauvais divertissement, mais simplement d'une terne et apathique lecture d'une histoire qui méritait beaucoup mieux. Dans ses moments de léthargie (les voyages temporels et la troisième partie), le spectateur se mettra à réfléchir à ce qu'un tel sujet serait devenu dans d'autres mains et durant l'instant fugace d'un soupir pragmatique rendra grâce pour un montage si court d'une heure et trente cinq minutes.
 
 
F. Flament
29 Mars 2002

 

 

 

 

 

 

Esprit d'Eloi
Film américain de Simon Wells & Gore Verbinski (2002), adapté de l'oeuvre de Herbert Georges Wells. Avec Guy Pearce (Alexander Hartdegen), Samantha Mumba (Mara), Jeremy Irons (l'Uber-Morlock)... Sortie française : le 27 Mars 2002.

Multimédias
Bande-annonce (vo)
Photographies (16)

Liens
Le site officiel
Le film sur l'IMDB
H.G. Wells

Fiche technique
REALISATION
Simon Wells & Gore Verbinski
SCENARIO
David Duncan, d'après l'oeuvre de Herbert Georges Wells
INTERPRETES
Guy Pearce (Alexander Hartdegen)
Samantha Mumba (Mara)
Jeremy Irons (l'Uber-Morlock)
Orlando Jones (Vox)
Mark Addy (le docteur David Philby)

MONTAGE
Wayne Wahrman

DIRECTEUR PHOTOGRAPHIE
Donald McAlpine
MUSIQUE ORIGINALE
Klaus Badelt
PRODUCTEURS
Walter F. Parkes et David Valdes
DUREE
95 minutes
PRODUCTION

Warner Bros. et DreamWorks SKG

TITRE ORIGINAL
Time Machine
SORTIE FRANCAISE
Le 27 Mars 2002

 

 
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