Ils font peur et ils le font bien. Monstropolis, mégalopole abritant différentes créatures, use du cri et de la peur d'enfants humains comme source d'énergie. L'entreprise Monstres & Cie est en charge de la récupération et du traitement. De multiples portes ouvrant sur les placards des chambres des chérubins du monde entier permettent aux employés de terrifier à loisir. Dans ce contexte Sulli et son assistant Bob sont les employés les plus productifs. Mais la terreur est réciproque et un soir, une petite fille passe la porte.

MONSTRES & CIE

Délirant et créatif. Pour les studios Pixar (fondés en 1984 par John Lasseter) comment mieux fêter leurs 15 années d'existence qu'avec leur nouvelle production Monstres & Cie. Un fable burlesque qui happe tout entier le spectateur. Et nous voici, yeux écarquillés et pétillants, riant aux éclats et exprimant la joie infantile et communicative qui nous étreint. Il faut dire que le film arbore un aspect très cartoon – son générique rappelle les classiques d'Hanna-Barbera, de Tex Avery ou de la Warner – perdant parfois la finesse et la profondeur de leurs créations précédentes comme Toy Story 2, mais gagnant en gags, en plaisir et en créativité. Peter Docter (oscarisé pour son court métrage Next Door) est plus intéressé ici par la comédie de situation pure que par la réalisation. Ainsi, à la moitié du film, notamment quand les héros se retrouvent au Tibet – où l'on apprendra la véritable origine du Yeti –, l'histoire perd en intensité. Car la dynamique de l'ensemble ne s'appuie que sur le grand huit, ce mouvement perpétuel, à l'image de cette séquence de fin tout bonnement hallucinante qui démontre la maestria de ces infographistes en matière de 3 dimensions. Au milieu de près de 6 millions de portes Sulli, Bob, Bouh et Léon mènent une course poursuite jubilatoire et inventive dont le point d'orgue sera la réaction de l'enfant face au caméléon. Le coup de génie est d'avoir placé en ouverture le court métrage de Ralph Eggleston For The Birds. En quelques minutes dépourvues de dialogues, l'équipe installe avec brio son univers délirant, créatif et surtout donne les clés du récit à suivre. L'effet comique fonctionne ainsi à plein dès la première scène de simulation, étonnante.

Capitalisme féroce. L'idée de base du long métrage est intrinsèquement ambivalente, puisqu'elle s'adresse à nos phobies et notre nostalgie des premières années tout en montrant l'enfant comme un être subversif et toxique que l'on ne doit en aucun cas toucher. Les séquences de décontamination dans certains cas pour une simple chaussette rappellent celles de Brazil et sont absolument hilarantes. La double lecture du film est sans nul doute sa plus grande force. Tout en affichant une intégrité et une sincérité totalement rafraîchissantes les scénaristes se permettent une certaine réflexion non dénuée d'intérêt sur le capitalisme et la perte de certaines valeurs de la société. D'un côté une entreprise énorme, récoltant près de 2 millions de cris par an, agissant dans 253 pays à l'aide de 230 équipes, un monstre phagocytant l'innocence de l'enfant. Une course au profit qui ne semble avoir de limite qu'en l'arrachage de sons à une fillette ligotée. De l'autre des jeunes êtres devenus blasés et ayant développé une distance par rapport à l'image. Un monstre et alors ? Il faut un employé de la trempe de Sulli pour parvenir à leur arracher ces précieuses vibrations. Une image qui au contraire démontrera à Sulli son erreur, elle sera pour lui un révélateur, se rendant alors compte de son attitude et de son rôle. Evidemment, un monde en rupture de ressources naturelles, pris dans une spirale de fuite en avant rappelle la situation actuelle. Même chez les monstres seul l'amour et la stabilité procurée sont finalement les buts à atteindre. Il est assez rare qu'un film d'animation se permette en filigrane d'aborder ce genre de cogitations pour qu'on ne le souligne pas. Il en devient peut être un peu moins onirique, mais ô combien plus emballant et pratiquement quotidien, il nous touche d'autant. Sa conclusion simple et porteuse d'espoir en tire un impact inattendu. Nous touchons là le clivage entre le studio et son associé Disney (héros ambigus, avec leurs parts d'ombre et de lumière mais faisant ressortir dans l'autre le meilleur), et l'émancipation latente. Dire alors notre impatience quant à Findig Nemo le prochain bébé de Pixar dirigé par John Lasseter en personne, serait pur euphémisme.

De l'autre côté du miroir. Au grès des 22 décors différents, les critiques de nos travers fusent, les clins d'œil aussi. Ici une arrivée à la Etoffe des Héros, là une ville à la Metropolis, un emprunt à Stargate et puis la poupée de Jessie et Rex de Toy Story 2. Sans parler des mythes comme Alice au Pays des Merveilles. Si le design des personnages principaux est un régal,

entre la grosse bête à poils, le retors caméléon, l'oeil sur patte et l'attendrissante petite fille, on pourra regretter une certaine inexistence des protagonistes secondaires. Basé sur un tandem diablement efficace à l'instar de celui formé par Buzz et Woody ou celui de Shrek le film ne pêche finalement que par des tons légèrement trop acidulés mais sa vocation de blockbuster ne pouvait permettre un graphisme à la Tim Burton (L'Etrange Noël de Mr. Jack). Comment retenir une scène ou un gag particulier, tant le film est rempli de trouvailles ? Il parvient à nous faire rire, à nous émerveiller et à nous émouvoir aux larmes (Bouh rentrant chez elle et donnant les dessins à Sulli ou la relation d'amitié de Sulli et Bob). Et tout ça simplement en ouvrant une porte. A mille lieux de l'apathique et mortifère Final Fantasy, Monstres & Cie réussit une chose rare : capter un fondement, un souffle de vie.

 
 
F. Flament
12 Avril 2002

 

 

 

 

 

 

Il y a quelqu'un à la porte
Film américain de Peter Docter et David Silverman (2001), nominé aux Oscars et récompensé pour sa musique et son court-métrage d'ouverture. Avec les voix de John Goodman, Billy Crystal, Steve Buscemi... Sortie française : le 20 Mars 2002.

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Liens
Le site officiel
Les studios Pixar
La fiche d'Allociné

Fiche technique
REALISATION
Peter Docter et David Silverman
SCENARIO
J. Culton, J. Pidgeon, R. Eggleston, R. Reese, A. stanton & D. Gerson d'après une idée originale de P. Docter
MONTAGE
Jim Stewart
VOIX ORIGINALES
John Goodman (Sulli)
Billy Crystal (Bobi)
Steve Buscemi (Léon Bogue)
James Coburn (Henri Waternouse)

CREATION DES PERSONNAGES
Ricky Vega Nierva

PRODUCTEURS
John Lasseter, Andrew Stanton et Darla K. Anderson
DUREE
92 minutes
PRODUCTION

Disney, Pixar

TITRE ORIGINAL
Monsters, Inc.
SORTIE FRANCAISE
Le 20 Mars 2002

 

 
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