7 jours pour agir. Lanie Kerrigan, ambitieuse journaliste de Seattle a accompli ses rêves : adulée dans un travail de prestige, un fiancé champion de base-ball et un splendide appartement. C'est alors qu'elle interviewe un sans-abri goguenard, le prophète Jack, qui s'est fait une spécialité de prédire l'avenir en nimbant ses visions d'un cérémonial détonnant. Il annonce la mort de la jeune femme dans une semaine. Quand les augures du clochard se réalisent, Lanie panique, il lui reste peu de temps pour remettre en cause ses choix de vie.

SEPT JOURS ET UNE VIE

Dépassé par la métaphysique. Les studios américains n'ont pas leur pareil pour nous livrer des comédies habilement formatées, sachant actionner les leviers adéquats et suffisamment neutres et insipides pour ne pas rebuter. Le revers de la médaille, elles ne surprennent aucunement et ne s'octroient qu'un passage fugace sur les écrans. Cet énième opus romantique d'une femme d'affaire campée par une vedette, Angelina Jolie (dans son premier rôle comique apathique et maniéré) tout en moues boudeuses, permanentes impeccables et tailleurs cintrés improbables, ne marquera pas les mémoires. Simplement parce que ce mélo sentimental teinté de fantastique n'assume aucune cohérence, il commence comme une histoire à l'eau de rose sympathiquement surannée et lorgnant vers les années 50 pour se prendre les pieds dans le tapis d'un faux modernisme et d'un vrai sexisme avant de finir maladroitement en éludant toutes les retombées des questions envisagées, certes grossières mais un tant soit peu pertinentes. Une impassibilité perdure dans cette comédie qui ne déclenche aucun rire franc et imprévisible, cette morne avancée vers la chronique d'un happy end annoncé parvient à peine à nous faire esquisser un sourire aimable.

Dans une Amérique triomphante de réussite matérielle, d'ambition et de business, elles sont nombreuses les personnes comme Lanie qui, en réaction à une enfance (réminiscences d'une désarmante mièvrerie) ardue et empêtrée dans les modèles télévisuels et médiatiques (Marilyn faisant tourner la tête des hommes) se sont aventurées sur les voies du conventionnel et de l'image factice. Aujourd'hui, les sociétés occidentalisées ont tablé sur un superficiel succès et des réussites éphémères pour pallier un manque affectif ou même une absence d'enrichissement et d'accomplissement personnel. Sept jours Et Une Vie aurait pu être une comparaison simple mais probante entre cette désinvolte course au pouvoir et au paraître, un douloureux corset engonçant (comme ceux que l'on inflige à l'actrice) et l'ordinaire, le réel représenté par le cameraman Pete. Mais ce dernier sera malheureusement sous-employé et cantonné dans une authenticité caricaturale, un gentil père divorcé rongé par la culpabilité de ne voir son fils qu'une journée par semaine et adepte du roman noir ainsi que des passe-temps intellectuels (Scrabble et librairies). L'opposition étant réduite à une simple ombre facétieuse, limite potache, le récit laisse le champ libre pour l'héroïne. Condescendante, la seule véritable ironie réside dans le fait que la révélation lui sera délivrée par un clochard roublard et attachant. Viendrons ensuite toutes les phases de la rédemption garanties sur commande, où les grands numéros d'insurrection résideront dans le fait d'ingurgiter des pizzas, de laisser traîner ses affaires, de coucher avec un homme (que l'on aime !) et surtout de braver le sacro-saint interdit de la cuite. L'amour, la nourriture et l'alcool, les trois mamelles de la liberté qui permettent de se libérer des tabous et interdits, de renouer avec son âme d'enfant, d'être soi-même. On éludera ce message aberrant et tendancieux d'une indifférence polie. En chemin, le scénario se permettra le luxe de combler ses propres lacunes (la précédente relation charnelle d'avec Pete met du temps à se faire connaître), de hérisser le poil de toute personne connaissant quelque peu la télévision (par exemple pour un reportage, le son est pris sur une bande magnétique et pas par un micro, mais aussi l'horaire de diffusion de "Bonjour l'Amérique" : quand il est 7 heures à New York, il est 4 heures à Seattle ! Pourtant la famille de Lanie regarde au complet avec un soleil haut dans le ciel, et à moins que son père travaille de nuit on se demande pourquoi il devrait prendre un congé maladie pour contempler sa fille dans la lucarne). Bien sûr nous aurons droit au couplet larmoyant et faussement puritain du père bourru et de l'agonie d'une mère compréhensive, ciment du foyer.

Carpe Diem. Une expression qui a déjà été trop employée, ici le questionnement d'une femme conventionnelle, aux obsessions superficielles (joli corps, beau mari, boulot sympa) ne suffit pas à lui offrir un exutoire satisfaisant. En cela le réalisateur n'aide pas son propos par un packaging douteux, l'imagerie télévisée parasitant son film (accélération des mouvements des nuages pour créer

une impression artificielle de durée… récemment sur-employée dans Early Edition), notamment dans la présentation clippée façon bande-annonce de Lanie ou ce déferlement de zapping dans sa pupille (incertain dans son appartenance et sa pertinence) alors qu'elle attend la nouvelle du tremblement de terre. L'impression de déambuler dans les coulisses télévisuelles est accentuée par la présence pléthorique d'acteurs transfuges du petit écran (Angel, The West Wing, Murder One…), en outre le réalisateur n'a ni la verve ni le talent de James L. Brooks pour naviguer dans ces eaux troubles. Ses effets seront directs et faciles, comme la chevelure peroxydée qui s'affaisse à chaque pas vers l'humanité ou le survêtement salvateur qui enveloppe le corps en mutation de manière informe (et puis il permet le bel effet sensuel de la descente de la fermeture éclair par Pete). On peut comparer sa mise en scène avec le tact de Cal, qui pense soigner la crise existentielle de sa fiancée par 10 minutes de base-ball. Pas de prise de tête d'accord mais cela n'exclut pas un peu de profondeur et rien que l'analyse des rapports hommes-femmes laisse songeur. D'autant plus dommageable que l'on sent aux détours de cette histoire un véritable potentiel, comme cette critique acide d'un média qui véhicule une idéologie individualiste et prône une uniformisation drastique tout en recherchant désespérément l'anticonformisme pour le phagocyter et l'inclure au moule. Malgré ses possibilités, l'histoire lambine et s'arrête en chemin, préférant les boulevards aux voies de traverses, et (c'est plus grave) finit en queue de poisson. Lanie refuse le travail offert par le patron du network, en cela elle corrobore les divagations de l'oracle des rues et devrait donc mourir (comme le laissait entendre l'ouverture téléphonée du long métrage). Or elle survit à la balle perdue, pour la plus grande gloire d'un final, pandémonium de larmes et de morale, où le comble de la révolte réside dans le fait de ne pas aller travailler un jour de congé. Pourtant Lanie a retrouvé sa coupe et son tailleur, elle a vite réintégré le giron chaleureux et bienveillant de la société de consommation mais dans une joie insouciante et presque arrogante, c'est le meilleur système après tout. Pour reprendre les propos de Lanie à l'irascible Deborah Connors, cela en valait-il la peine ?

 
 
F. Flament
29 Août 2002

 

 

 

 

 

 

Ô capitaine, mon capitaine
Film américain de Stephen Herek (2001), première incursion dans le genre comique pour Angelina Jolie. Avec Angelina Jolie (Lanie Kerrigan), Edward Burns (Pete), Tony Shalhoub (Jack le prophète), Christian Kane (Cal)... Sortie française : le 14 Août 2002.

Multimédias
Bande-annonce (vo)
Photographies (15)

Liens
Le site officiel anglais
Le film sur l'IMDB
Angelina Jolie
News d'Angelina Jolie

Fiche technique
REALISATION
Stephen Herek
SCENARIO
John Scott Sheperd et Dana Stevens d'après l'oeuvre de John Scott Sheperd
MONTAGE
Trudy Ship
INTERPRETES
Angelina Jolie (Lanie Kerrigan)
Edward Burns (Pete)
Tony Shalhoub (Jack le prophète)
Christian Kane (Cal Cooper)
Stockard Channing (Deborah Connors)

MUSIQUE ORIGINALE
David Newman

DIRECTEUR PHOTOGRAPHIE
Stephen H. Burum
PRODUCTEURS
John Davis, Kenneth Atchity, Toby Jaffe, Arnon Milchan et Chi-Li Wong
DUREE
103 minutes
PRODUCTION

20th Fox, Davis Ent., Epsilon Motion, New Regency et Regency Enterprises

SORTIE FRANCAISE
Le 14 Août 2002

 

 
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