Glose frelatée. Reprenant le format documentaire des inusables Hollywood Stories pour le travestir dans un iconoclasme frigide, Maurice Barthélémy, le trublion déconnecté et euphorique de la troupe des Robins Des Bois, choisi de narrer pour sa première réalisation la carrière improbable et l’ascension absurde du plus mauvais boxeur du monde, le ringard et décalé Casablanca Driver.

CASABLANCA DRIVER

La généalogie du rejeton hyperactif (préparation d’un combat contre le Léviathan champion du monde), toujours à la limite usante d’une rupture rédhibitoire, ne fait aucun doute tant When We Were Kings étant une ombre indulgente sur la petite entreprise – patchwork décadent et égaré sur grand écran en quête d’illusoire repentance pour un surplace nombriliste teinté de voyeurisme. Le programme est toujours dicté par l’humour qui taraudait le mitigé RRRrrrr !!!, humour déflationniste revendiqué, glose opiniâtre du gag raté, hiatus déconcertants en pagaille et jeu constant sur l’exagération et les déviances verbales – les borborygmes de Casa étant tout bonnement incompréhensibles notamment sa devise (rengaine stérile) «Todo Match». De ce côté le réalisateur – dont les hauts faits d’armes consistent surtout à recycler de multiples références mal digérées comme la peinture des parents façon Woody Allen (qui regrettait récemment que peu d’artistes de la nouvelle génération se revendiquent ou réclament de lui, contrairement à Martin Scorsese, difficile de croire qu’il prendra ceci pour un hommage) – respecte son cahier des charges pour fournir une ribambelle de saynètes, au final inconsistantes et désagrégés. Si la logique déserte au profit d’une incongruité de bon aloi, la mayonnaise ne prend jamais véritablement pour cette compilation envisagée avec une excessive froideur et roublardise, où la répétition toujours au centre du microcosme de ces comiques du petit écran s’étiole par manque de sincérité et d’attention. Le non-sens y demeure tristement bridé et galvaudé – laconique, simple accolage de citations ou pastiches attendus et de caméos obligés (un bestiaire discount totalement inexploité à l’exception peut-être de Dieudonné composant un Don King de bazar désopilant) sans réel relief – là où il devrait nous expédier vertement au plus haut des cieux de l’idiosyncrasie. La platitude de ce vortex d’amalgames surgissant d’une insolence tournant à vide, perfide et condescendante envers son sujet chétif et attendrissant. D’élans de pudeur naïve le propos se départit pour calquer sa cinétique futile sur un modèle caricatural acerbe où l’humilité fait figure d’absente de marque. Le rire apaisé, décontracté et aimant naît lorsque le comique (s’)oublie (dans) les figures imposées. Mais l’humanisme et les potentialités charriés par ce personnage malingre et inadapté se heurtent en permanence au cynisme formel et démantelant du cinéaste, toujours pour le même résultat, un KO avant la limite. Ainsi, le récit ne peut se résoudre au drame qu’il appelle logiquement et convie une pirouette finale plus que malvenue (la bande-annonce de Casablanca Driver 2, à l’intérêt ou à la légitimité aussi discutable qu’un Kill Bill 3).

Catalogue seventies. Stricto sensu, le film se transmue en documentaire en avançant l’idée que dans son beau héros claquemuré dans l’autisme réside la dynamique prégnante du divertissement. Sa vie dépasse alors le carcan ridicule de cet objet féroce pour toucher un spectateur fasciné. Pour trousser ce pan de sa création Maurice Barthélémy prend l’heureuse initiative de rendre hommage à Casa par le

traitement obsessionnel du détail (décors seventies à satiété, affiches burlesques à la manière des tabloïds dans nos rues, apparitions décapantes de Dominique Rocheteau ou Plastic Bertrand…). Et les choses psychédéliques et moquettées de remplacer les photos statiques et scrutées des Hollywood Stories : irrémédiablement figées dans un délire bouffon (moins convaincant que celui de Mais Qui A Tué Pamela Rose ?) elles pleurent un drame s’étant déjà produit. La sympathie qui transpire du boxeur tient à ce qu’il s’agite hystériquement pour forcer son destin inéluctable, et la douleur poignante d’affleurer lorsqu’il se laisse aller à l’immobilisme corporel (l’aphasie de son visage, et son estafilade inamovible, devant les élucubrations fantasques de son entraîneur essayant de l’atteindre ou le «Je comprends» benêt, répété ou plutôt hoqueté jusqu’à ce que ces mots forgent une carapace suppliciante pour son esprit). La déchirure tétanisante et réverbérante de la paire, motif entêtant, le poursuit jusqu’aux tréfonds de son être et la jeune femme campée, avec grâce et bévues, par la fantastique et exquise Marina Foïs prend alors toute sa dimension notamment dans l’un des derniers plans ingénus. Décrocher la lune pour la contempler, affranchi, avec son double, l’autre moitié de sa paire détraquée.

 
 

F. Flament
24 Juillet 2004

 

 

 

 

 

 

L’œil de Tigroo

Film français de M. Barthélémy (2003). L’humanisme et les potentialités charriés par un héros malingre et lunaire se heurtent en permanence au cynisme démantelant du contexte, toujours pour le même résultat, un KO avant la limite. Sortie : 30 Juin 2004.

Multimédias
Bande-annonce / Trailer
Photographies (17)

Liens
Le site officiel français
Le film sur l'IMDB
Le site des Robins Des Bois

Fiche technique
REALISATION, SCENARIO
Maurice Barthélémy

MONTAGE
Fabrice Rouaud

DIRECTEUR PHOTOGRAPHIE
James Weland

INTERPRETES
Maurice Barthélémy (Casablanca Driver)
Isabelle Nanty (Léa)
Dieudonné (Bob Wise)
Marina Foïs (Sandy)
Sam Karmann (Père de Casa)
Chantal Lauby (Mère de Casa)
Patrick Chesnais (Coll Murray)
Jim Carter (Joe Matéo)
Alain Chabat (Dr. Brenson)

DECORS
Sylvie Olive
PRODUCTEUR
Bruno Levy
DUREE
90 minutes

PRODUCTION
Move Movie, France 2, StudioCanal / Mars Distribution
 
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