LES HOMMES DE L'OMBRE
De la glose vénéneuse on hérite un héros tout de rage mordante, viscérale et explosive déambulant crânement au milieu de la conflagration jaspée et de l’opprobre sulfureux du Los Angeles de 1950 en proie à la criminalité galopante, à l’impunité pénétrante de la lie de l’humanité. L’aspect ségrégationniste en moins Lee Tamahori – metteur en image criard et essoufflé de L’Âme Des Guerriers, du piètre Meurs Un Autre Jour ou du prochain XXX 2 – brosse dans des décors rescapés de l’inoubliable et vénéneux Chinatown de Roman Polanski les circonvolutions orphelines de son «Hat Squad» d’élite : quatuor de flics rustres, «incorruptibles» et expéditifs chargés d’éradiquer la fange mafieuse, qui, assez ironiquement, n’ont pas grand-chose sous la casquette – quel gâchis que de voir Michael Madsen asphyxié par une telle transparence léthargique. Voilà qu’un corps de femme (brune et blonde vont s’achopper avec moins de délice néanmoins que dans le sensuel et calciné Hot Spot où sévissait déjà l’ardente Jennifer Connelly, à la beauté noire et trépanée, soit une virginité sadisée et nébuleuse, nimbée d’hédonisme coupable, comme l’avait déjà saisi précocement Dario Argento avec son Phenomena) échoué sur les terres inhospitalières, écrasantes et illimitées – aux déplétions aplanies mais néanmoins claustrales abhorrant sinuosités et détresses labyrinthiques – entourant la mégalopole leur tombe littéralement sur le râble et les entraîne inextricablement vers les démons impulsifs et contaminants de l’ivresse du pouvoir. Leur bloc personnel, ascétique et territorial se fissure, laissant apparaître ça et là dans les lézardes d’albâtre les spores de la profonde et oppressante vacuité qui, si l’on reprend la métaphore scientifique, régit nos vies en nous persuadant sournoisement de sa densité évanescente. Et la mise en scène de se charger imperceptiblement d’une inéluctable détumescence prodiguant un baume apaisant, idoine à estomper les contrastes ou à gommer les travers pour recouvrer un illusoire équilibre, sitôt rompu. La dimension cathartique du long métrage éclate : pour l’ensemble de ses comburants ou de ses regardants, il n’est qu’un catalyseur vaniteux, une mise en abîme de la bombe atomique dans sa propension à voler une intégrité physique et mental à l’irradié. Oubliez la délicatesse contenue, pudique et digne qui émergeait à l’acmé de la violente tension lyrique maintenue du récent Femmes En Miroir (par le cinéaste trop discret Kiju Yoshida) – nous suivions la rupture métallique de l’ombre au cœur de la scarification d’une glace depuis longtemps meurtrie, rayée, brisée – car ici même le sujet polémique et ancestral du sacrifice humain – pierre d’angle de notre civilisation nous précise le scénariste hilare – est dépourvu de sens, déchiqueté pour laisser son véhicule, sa coquille estropiée, face au précipice d’un cratère lunaire, alangui et impavide. Laissant le désert pulvérulent et contrit se répandre dans chaque interstice persistant timidement.
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F.
Flament |
Film américain de Lee Tamahori (1995). Un ersatz de film noir selon les préceptes acérés de James Ellroy. Sauvé d'une caricature désastreuse par sa propension carcérale à se substituer à son propre sujet. Sortie française : le 4 Septembre 1996.
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