BIOGRAPHIE DE LA FAIM
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déchirée à une célérité supersonique par un train filant ardemment – le shinkansen forcément – dans les contrées sauvages du souvenir et qui laisse dans son sillage le tourbillon d’un amour irrépressible et extravagant pour le langage palpitant (les bouffés d’images et de sensations à la fenêtre), «de la cervelle en train de bouger». La belge lettrée, du haut de ses trente-six ans, rompue à l’exercice quotidien de l’écriture, finissait par écraser et phagocyter ses créations d’une maîtrise gloutonne. Et la machine de tourner à vide comme un jeu de massacre lucide mais parfois gratuit. C’est que son style se caractérise par son ton incisif, drôle, acerbe et cruel pendu à un fil dont la ténuité détachée d’enjeux garantit la saveur renouvelée de notre appétit. Toute la gageure de cette nouvelle autobiographie est de se départir des derniers oripeaux du romanesque pour faire émerger, au bon vouloir de son oligarchie ferroviaire ou aérienne, un réseau gigogne, épuré et fulgurant. Son flux de mots devient matrice ou sésame et tisse des liens charnus entre toutes ses œuvres (Stupeur Et Tremblements, Le Sabotage Amoureux, Métaphysique Des Tubes…) mais aussi entre elle-même et son lecteur ; pour finir par tous nous convier à une étrange commémoration, le culte de la sur-faim nietzschéenne dont elle s’écrit récipiendaire. Qu’importe alors les étapes du voyage nomade et enivrant (de sa naissance à l’âge adulte, du Japon mythifié à la Belgique incongrue en passant prestement par le régime totalitaire chinois, la profusion des Etats-Unis, la misère du Bangladesh, la Birmanie ou le Laos), l’ennoblissement des expériences enfantines, l’emballement factuel drolatique, la terrifiante évolution de l’anorexie ou ce viol à l’acmé décapité. Amélie Nothomb persévère dans son goût exquis et pétillant du verbe, à la limite d’une sorte de Confession Impudique dont les stations littéraires balisent un itinéraire singulier, kaléidoscope d’anagogies trépidantes et d’exégèses leibniziennes furieuses. La vasque des souvenirs de l’héroïne-écrivain
est-elle à ce point inépuisable pour nous surprendre
encore en terrain connu ? Si elle s’oblige depuis son plus jeune
âge à retracer le film de sa vie sous les draps on comprend
le travail de montage de sa prose (asyndète et anacoluthe en
horizon stylistique) ou cet art de l’exposition concise. Ogresse
planétaire en marge du monde par son pragmatisme virtuose,
elle nous conte autant d’étapes traumatisantes et enrichissantes
comme elle aborde la première lecture du Pavillon D’Or
ou des Misérables. Potomanie, anorexie ou oedipe pétaradant
tout s’agglomère dans un titanesque et iconoclaste ragoût
dont les composants s’harmonisent (importance similaire), s’ajustent
à la taille et à l’envie : à l’appétence
motrice. Seule ombre au tableau, le retour aux sources nippones d’Amélie
et de sa sœur Juliette conduit à un profond désappointement,
les mémoires affamées ayant outrageusement amplifié
le festin. Suivant les aphorismes bouddhistes enfantins d’alors
«tout ce qui est beau est Dieu», autant dire
qu’un suaire touché par la grâce doit être
accroché aux haillons de ces quelques pages. Et cet éclat
divin de culminer avec la reconstruction par l’écriture,
car «il faut tout devenir, sauf une femme» d’après
Henry de Montherlant. Passage réussi, pour un être transmué
(déformation en écho) en une flamboyante hydre adulte
tranquillement attablée devant son opulent et excentrique buffet
et s’interrogeant sur le prochain mets à engloutir. |
F. Flament
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2 Octobre 2004
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Liens
Les
premières pages du roman
Les
éditions Albin Michel
Site
sur Amélie Nothomb
Film
Stupeur Et Tremblements sur Inside a dream
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Shinkansen vorace |
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Pour combler les brèches
laissées béantes par ses précédents
ouvrages, l’écrivain Amélie Nothomb entreprend
sous le prétexte fallacieux d’explorer le cas de
la désaffection des îles Vanuatu, une épopée
au cœur de la faim. Et comme la faim c’est elle, jamais
rassasiée bien sûr, nous voici enjoints à
un voyage chaloupé, drôle et lucide dans les méandres
de sa mémoire ; embarqués dans le parcours fulgurant
de la jeune femme de ses 3 ans dans une garderie japonaise à
son retour en Belgique à l’aube de l’âge
adulte. Un périple parsemé d’une soif inendiguable
d’expériences géographiques, physiques ou
spirituelles. La déconstruction – derridienne –
du corps par l’esprit et sa rébellion finale après
la souillure s’accompagne d’une découverte
précoce des cultures et des représentations (littéraires,
mystiques ou iconographiques). La douleur et l’avidité
sont au cœur de ces venelles initiatiques avortées
pour entreprendre, dans une dérision salutaire, une promenade
parallèle dans une œuvre déjà foisonnante
et qui crie à chaque page de conserve avec son interprète
le paradoxe de son existence chancelante.
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FICHE
TEC
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Auteur : Amélie
Nothomb Nationalité : Belge Publication : 25 Août 2004 Nombre de pages : 242 Editeur français : Albin Michel ISBN : 2226153942 |