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LA MAISON DES ATREIDES

Rien qu'à l'évocation du cycle de Dune, le chef d'œuvre de Frank Herbert, les lecteurs se pâment et deviennent intarissables, emportés qu'ils sont par leur engouement pour un moment unique de science-fiction. Tous partagent la même frustration intense qui assaille chaque nouveau lecteur dès qu'il retourne la dernière page de La Maison Des Mères (Dune VI). Au pire un suspense insoutenable condamné à rester scellé après la mort de l'auteur. Au mieux un ultime pied de nez

de l'écrivain qui se mettrait lui-même en scène. Toujours est-il que de nombreuses interrogations perdurent concernant la destination de Duncan Idaho ou l'ennemi invisible qui remplit d'effroi les Honorées Matriarches. Une suite se devait de voir le jour à quelque période que ce fût. L'adjonction au projet du propre fils du créateur, Brian Herbert, et d'une prolifique cheville ouvrière dans le domaine de la science-fiction (contribution non négligeable aux ouvrages adaptés de l'univers Star Wars), Kevin J. Anderson, combinée à la découverte de notes originales et précises sur les développements envisagés par le défunt, était à même de galvaniser les espérances et l'excitation des amateurs du monde entier. Pourtant, très rapidement, la politique mercantile de l'éditeur a soulevé son lot d'animosités et de reproches. Les lecteurs déchantent. Loin de nous livrer la suite tant attendue, voilà que surviennent deux trilogies précédant l'histoire originale. La première, Avant Dune (La Maison Des Atréides, La Maison Harkonnen et La Maison Corrino) suivra les événements et les péripéties des différentes parties durant les 40 années qui mèneront à l'avènement du Kwisatz Haderach, Paul Atréides. Quant à la seconde Les Chroniques De Dune (The Butlerian Jihad, The Machine Crusade et The Battle Of Corrin), plus excitante et novatrice, elle narrera la terrible guerre opposant les hommes aux machines pensantes et se conclura avec la bataille de Corrin, combat qui scellera l'avenir de l'humanité, émaillé de l'ultime sacrifice Atréides et de la trahison infâme des Harkonnens. Ce n'est qu'après avoir ingurgité ces 6 tomes et quelques 4000 pages que nous devrions enfin accéder à notre utopie, notre eldorado, Dune VII, tel que l'envisageait Frank Herbert, dans le fond du moins.

Revenons à La Maison Des Atréides. Une tentative, une ébauche, une prise de contact et une acclimatation des auteurs avec l'univers et le public de Dune. Le problème principal résidant dans la non surprise d'un destin déjà familier et qu'aucun des trop nombreux rebondissements ne parvient à altérer. Le suspense étant absent, la conclusion connue, seuls les personnages secondaires pouvaient véritablement évoluer, grandir et passionner. Ainsi la relation des jumeaux C'Tair et D'Murr et leurs destins antagonistes surprend, de même que la mise en exergue d'un apprenti-navigateur et des fonctionnalités de la Guilde. Les Bene Gesserit ne sont pas en reste avec les personnages attachants, quoique bien peu étoffés d'Anirul et Margot. Pour le reste, le récit souffre d'un troublant constat : malgré le nombre important de pages, le mouvement reste dangereusement sclérosé, l'intrigue fait du sur place, octroyant des pans entiers à des événements anodins sinon superfétatoires ou redondants (les deux accouchements de Mohiam, la partie de pêche de Leto et Rhombur…) et frise en certains cas l'anachronisme (Elrood décide de se venger de Vernius en plaçant les Tleilaxus sur Ix après que Leto ait remarqué des dissensions et velléités de révolte au sein de la communauté suboïde). Le roman s'effiloche en des bribes faméliques et éparses artificiellement gonflées par une abondance de points de vue (Pardot Kynes, Les Harkonnes, Le Bene Gesserit, Les Tleilaxus, La Guilde, Shaddam et Hasimir, Leto, Ix, Duncan Idaho) et une fâcheuse tendance encyclopédique, les auteurs (qui ne semblent pas avoir totalement fusionné tant le résultat demeure fragmentaire) évacuent l'essence même des caractères évoluant au gré d'une intrigue squelettique que les très courts chapitres peinent à étoffer. Les personnages caricaturaux abondent, l'un aux confins de l'ascétisme, l'autre rebus de l'humanité fulminant et ressassant sa haine ou tueur assoiffé de violence qui s'éprend d'une soeur et semble oublier son tempérament fougueux. Quant à la révérende mère Harishka elle n'atteint jamais la malice ou le charisme d'Odrade ou Taraza. Le lecteur reste entravé par des cheminements trop éclatés qui le privent d'une immersion ou d'une implication réelle. Les accélérations suivant l'invasion d'Ix ou l'attaque dans le long courrier de la Guilde en sont les rares idoines.

L'intérêt de cette épopée introductive ne réside point dans ses personnages mais dans sa simplification nonchalente et son délaiement de l'intrigue. Le style est pertinent et plaisant. Nénamoins, l' ambiguïté, les polyphonies et accointances de sens et de sons restent en deçà. Les ambitieux discours et réflexions métaphysiques sur le pouvoir, la religion ou le messianisme de l'original n'ont pas trouvé grâce sous la plume des auteurs, de même que la dénonciation d'une subversive dépendance (commerciale ou à de substances psychotropes à peine dissimulées). Se lançant dans une telle entreprise, ils sont tout à fait conscients du lien de filiation direct qui existe entre leurs ajouts et le texte original. Difficile alors de ne pas leur tenir grief de leur propension à justifier tous leurs choix par les notes de travail laissées (la maternité de Mohiam...) et peut être à dessein dans l'ombre, tout en clamant leur volonté d'invention. Car aussi distrayant que soit le roman, par ses péripéties et son style soutenu, il manque cruellement d'identité et de subtilité. Une sensation qui survient au détour d'une page lorsque de façon insistante et gauche, ils justifient ou font référence à des événements des Hérétiques De Dune (le non-vaisseau et le non-globe Harkonnen qui accueillera en son temps Miles Teg et le ghola Idaho). Ce retour aux sources, nous laisse sur une impression contradictoire -à l'instar de celle qui a du guider les deux écrivains-, à la fois jubilatoire par le fait de replonger et de se repaître de paysages, de sensations sur un univers et des personnages tant appréciés et douloureusement répétitive (les lèvres rougies de Sapho, l'hyperbole d'un million de mondes…). Que dire du manque de concision criant de ce prologue faussement indépendant qui s'inféode à chaque page, craignant la bâtardise et cherchant désespérément à asseoir une crédibilité (tragédie grecque, description d'Ix rappelant Neon Genesis Evangelion…) justement entamée au vu de cette première livraison par les détracteurs du projet. Souhaitons ardemment que les prochains tomes trouvent leurs marques et puissent réellement ne pas pâlir de honte auprès du panthéon de la SF et de ses dunes balayées par les tempêtes de coriolis et faisant danser les rayons solaires dans une ronde chatoyante et diaprée.

 
F. Flament
14 Août 2002

 

Liens
Les premières pages du roman
Les éditions Robert Laffont
Les romans de Dune
L'univers de Dune

 

 

 

 

 

 

 

 

Tragédie placide et inféodée

 
 

10154. L'empereur Elrood IX règne sur la galaxie et les mondes connus. Il doit faire face non seulement à la mainmise du redoutable Baron Harkonnen sur Arrakis, la planète désertique seule source de l'épice (un mélange gériatrique permettant la prescience et les transports spatiaux), à la dangereuse ambition dévastatrice de son fils Shaddam et de son âme damnée Fenrig mais aussi à l'insubordination et aux jacqueries de la famille Vernius régnant sur la planète Ix (produisant les machines nécessaires au bon fonctionnement de l'imperium). Cet ancien militaire semble avoir contrevenu à deux ordonnances graves. La première consiste à avoir épousé une ancienne concubine royale, la seconde beaucoup plus grave serait la création de machines pensantes, imitant l'esprit humain, des expérimentations prohibées depuis des siècles et le grand Jihad Butlerien qui permit de soustraire l'humanité du joug des machines pensantes. Dans le même temps le Duc Paulus Atréides, seigneur de Caladan décide d'envoyer son fils une année durant sur Ix sous la protection de son ancien compagnon d'armes, le Comte Dominic Vernius.

Dans l'ombre se fomente complots et trahisons. Après avoir éliminé son frère, Shaddam élimine son père en lui implantant dans le cerveau une drogue indétectable qui le tuera en deux ans. Son but avoué : prendre en main le pouvoir après le règne interminable d'Elrood. Dans le même temps, il s'allie aux Tleilaxus, des intégristes, pour créer une épice synthétique et s'affranchir du monopole de Dune. Il parvient à se jouer de son père, qui trouve là l'occasion de se venger de Vernius en offrant la planète Ix pour ces recherches prioritaires. La famille d'Ix est renversée, tandis que l'empereur freine les secours et apporte logistique aux envahisseurs. Dégâts et pertes humaines sont indescriptibles. Leto parvient à s'enfuir pour Caladan avec les enfants Vernius, Rhombur et Kailea, à qui Paulus offre asile. Le Comte et sa femme deviennent renégats et s'enfuient séparément. Elrood succombe. Dans le même temps le Baron Harkonnen se repaît de la dangereuse position des Atréides, il décide alors non seulement de commanditer le meurtre du Duc, mais ensuite de discréditer son fils en déclenchant en son nom de terribles hostilités. C'est sans compter sur l'ascétisme de Leto qui préfère s'offrir au jugement de forfaiture plutôt que d'être à l'origine d'un conflit meurtrier. Dans les rouages du pouvoir interviennent les soeurs du Bene Gesserit, qui poursuivent une sélection génétique visant à la naissance d'un mâle aux pouvoirs décuplés. Après avoir utilisé le Baron Harkonnen pour engendrer une fille, voici qu'il apparaît qu'elle devra s'accoupler à Leto. L'ordre intrigue alors par deux de ses membres, Anirul future impératrice, et Margot promise de Fenrig. Elles obligent Shaddam à blanchir Leto. Dominic organise une milice secrète. Le planétologiste Kynes lance son programme de réhabilitation planétaire sur Dune grâce aux mystérieux habitants du désert, les Fremens. Duncan Idaho, une jeune garçon opprimé par les Harkonnens entre au service des Atréides.

 

 

 

 

 

FICHE TECHNIQUE
Auteurs : Brian Herbert et Kevin J. Anderson
Nationalité : Américaine
Publication : 1999
Nombre de pages : 622
Editeur français : Editions Robert Laffont, "Ailleurs & Demain"
Editeur original : Herbert Limited Partnership / Bantam Books, New York
Traduit par : Michel Demuth
Titre original : Dune House Atreides
ISBN : 2-221-08891-3
Sortie française : 2000