PIRATES DES CARAÏBES, MALEDICTION BLACK PEARL
Mais elle désire toujours en secret cet homme sauvé des eaux devenu, depuis son naufrage, forgeron de la ville côtière. Ce dernier est aussi éperdument épris de l’aristocrate en dentelles vaporeuses dont chaque regard suffit à le transporter de joie. Pourtant, à la faveur d’une chute malencontreuse dans la baie un bien singulier phénomène survient, le médaillon arboré par Elizabeth lance un appel sous la forme d’une onde imperceptible déchirant l’air. Et, le soir même, les habitants horrifiés découvrent sous leurs remparts l’abominable Black Pearl. Refuge flottant de pirates cruels et assoiffés de sang, qui, profitant de la déroute et de la confusions des forces armées, s’emparent de l'ardente et effrontée Elizabeth. Elle ne tarde pas à découvrir la terrible malédiction de ces hommes que la pâle clarté lunaire fait apparaître sous leur vrai visage : des cadavres décharnés condamnés à écumer les océans du globe pour reconstituer une collection qu’ils avaient jadis pillée. Evidemment le pendentif se trouve être la dernière pièce à restituer. De son côté Will décide de libérer un pirate notoire, Jack Sparrow, de sa geôle croupie afin qu’il puisse le mener jusqu’au repaire où mouille le vaisseau de triste mémoire et ainsi secourir sa dulcinée. Mais ce forban déjanté, interlope et patraque cache bien des secrets et l’on ne tarde pas à découvrir qu’il fut l’ancien capitaine du Black Pearl.
Squelettes vampires et trublion sélénite. En général les attractions foraines les plus ébouriffantes et exaltantes sont des machines démesurées dont chaque tour, fulgurant et clinquant, vous déleste d’une somme d’argent conséquente en échange d’un éphémère exutoire. Elles se contentent de vous secouer dans un tohu-bohu nauséeux en espérant vous faire accéder à une décharge de léthargie ébahie. De l’adaptation du manège du parc Disney, Pirates Des Caraïbes, nous pouvons dire qu’elle s’articule sur ce canevas immuable (frissons flibustiers, péripéties romantiques et moyens mirobolants idoine à engendrer l’excitation) en s’étirant jusqu’au fastidieux – le long métrage qui peine à rebondir à mi-parcours sombre dans les vingt dernières minutes et leur profusion d’effets de manches numériques et scénaristiques particulièrement exécrables. Reste que la copie des deux auteurs Ted Elliott et Terry Rossio (Shrek, Le Masque De Zorro…) parvient presque par hasard à faire fictionner l’ensemble dans une cohésion ouatée et étrangement erratique. Pour transcender l’hérédité ludique et l’obédience pachydermique et entertainement du gourou diligent Jerry Bruckheimer – il s’agit d’une œuvre de producteur à n’en pas douter –, ils déploient un humour malicieux qui se teinte parfois en filigrane d’ironie acerbe et s’octroient un personnage au charisme lunaire et ambigu : Jack Sparrow. Véritable joyau du film, Johnny Depp transcende les poncifs avec lequel jongle le récit (un clin d’œil envieux au Fog de John Carpenter ?), virevolte devant une caméra éprise qui lui laissera d’ailleurs la dernière scène et le dernier plan. Il prend un malin plaisir à brosser le portrait, d’une gaucherie confinant au burlesque, d’un pirate de pacotille, poissard, dandy et précieux contre l’autorité timide, facétieuse et charmeuse duquel son équipage n’aura de cesse de se mutiner (pas moins de trois abandon sur des îlots peu avenants). Flanqué de fanfreluches improbables et de babioles new age, l’acteur en état en grâce campe un héros enfantin et foisonnant, aux mouvements syncopés pourvus d’une amplitude irréelle et à l’ire contrariée ou feinte (il ne tuera personne sinon l’ignominieux capitaine Barbossa et préfère la discussion au carnage). Entre ripailles avortées, déconvenues hilarantes, machiavélisme réfléchi et envolées épiques Jack Sparrow joue au forban, comme si l’interprète absorbé par l’imposante machinerie récréative avait décidé de s’installer dans un wagonnet et de laisser libre cours à ses réactions viscérales tout en conservant cette distanciation rebelle et élégiaque qui fait de lui l’unes des têtes d’affiches les plus précieuses du cinéma actuel – et que Tim Burton a su, plus que tout autre, rendre la quintessence expressionniste dans la poésie imbibée et gothique d’un Edward Aux Mains D’Argent et d’un Sleepy Hollow, ou la folie espiègle qui s’épandait sur Ed Wood). Pépite perdue et déambulant dans l’océan insipide et désaffecté du blockbuster, Sparrow prend rapidement son envol (il apparaît du haut d’une rachitique vigie ou plutôt d’une hampe avant d’effectuer quelques tours jouissifs au bout d’une corde évoquant sans ambages l’euphorie carnavalesque de l’attraction éponyme) pour pourfendre ses adversaires fantoches, brumeux et blafards autant que les aspects convenus d’une réalisation laborieuse.
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F.
Flament |
Film américain de Gore Verbinski (2002). Adaptation d'une attraction du parc Disney avec un J. Depp en trublion virevoltant et ambigu qui détonne dans l'apathie duveteuse enserrant les corps décharnés et désincarnés. Sortie française : le 13 Août 2003.
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