LES TEMOINS
Il décrit en effet la scène de la crucifixion mais, fait saisissant, le Christ y tourne le dos à la nef pour offrir son agonie atroce à un bas-relief représentant une assemblée voyeuse se délectant du supplice dans une indifférence confinant au malaise. Dans le même temps une jeune femme américaine, Cassie Grant, arpente la campagne solitaire et blême. Elle se fait alors renverser par la nouvelle femme de Krikman en traversant la chaussée sous une pluie battante. Si son corps ne semble pas éprouvé par la violence du choc, sa mémoire a, elle, totalement disparue, la laissant en proie à d’étranges et horribles hallucinations aux vertus prémonitoires. Le couple anxieux et leurs deux enfants l’accueillent pour entamer sa convalescence dans leur vaste demeure, jadis terne orphelinat fermé pour causes d’abus et d’exactions abjects. Là, elle va développer une relation privilégiée et exclusive avec un garçonnet mutique au funeste et inéluctable destin.
La vérité est ailleurs. Nul doute que Les Témoins fait figure de favori dans l’élection de la pépite estivale indigente et inepte – sentence qui explique sans doute sa sortie tardive et confidentielle. Un scénario caricatural, une rigidité défaillante de l’interprétation ou un twist final lénifiant et tristement éculé (façon M. Night Shyamalan ou Les Autres pour les exemples récents) président en effet à cette parabole ésotérique, pataude et saugrenue. La mise en scène se révèle d’une pauvreté inconséquente, en deçà des performances des opus les plus nauséabonds de The X-Files, dont il recycle la dialectique vaine et naïve sceptique-croyant. Bien au-delà d’une quelconque paresse empesée ou maladresse essoufflée, Brian Gilbert démontre à chaque plan son incapacité à jouer des reliques de l’horreur et du fantastique (attrait frelaté du gothique, jaillissement sanguin irrépressible et scabreux, paysages glacés et oppressants) – syndrome commun au dégénéré Les Âmes Perdues – dont il plonge dans les racines seventies – utilisation grandiloquente de la musique liturgique et esthétique passée rappelant les rejetons de La Malédiction – ainsi que sa condescendance chronique envers un spectateur envisagé comme décérébré. Une incurie satisfaite – loin les codes édictés par des Robert Wise (La Maison Du Diable) ou Jacques Tourneur (La Féline) et revisités par les contemporains Hideo Nakata (Ring, Dark Water) ou Kiyoshi Kurosawa (Kaïro, Cure) – sûrement à l’origine de sa propension à ressasser avec insistance les miasmes débiles de son mysticisme de bas étage. L’argument théologique plombant chaque détour des scènes statiques, il participe à la désaffection ambiante qui contamine action, personnages et lieux. Rarement on aura ressenti devant un long métrage une telle impression de vacuité ouatée, d’insignifiance en apesanteur, d’invisibilité timide, où les filets brumeux et maraudeurs semblent être les seuls éléments concourant à l’intégrité et à la logique d’un squelette famélique autant qu’invraisemblable. Les (s)cènes se succèdent – un curieux ping-pong amidonné entre cabane ignominieuse, architecture côtière et institution réhabilitée sans que jamais ces lieux ne s’incarnent de manière palpable –, mollement dans un anonymat feutré, dans un laxisme qui tourne vite à la mise en abyme – on ne compte plus les béances exsangues du script, par exemple le pur et pathétique enchantement par lequel Cassie devient nurse des enfants. Et les personnages d’habiter avec résignation et componction le manque de substance, disparaissant, ressurgissant à l’envi (les parents meublent, l’espace d’un cliché, le folklore foutraque sans une once d’opiniâtreté ou d’ambition – le sort de la belle-mère n’est même pas explicité) dans la nonchalance d’un vert lisse, iodé et hideux (songes chaotiques et champs de maïs).
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F.
Flament |
Film américain de Brian Gilbert (2001). Calvaire ésotérique d’une indigence stupéfiante, dont les lambeaux sont agrégés par la solaire Christina Ricci. Son charme vénéneux instillant l’unique raison d’être de la vaine entreprise. Sortie France : le 14 Juillet 2004.
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