DESTINATION FINALE 2
Afin de sauver sa vie et celle des conducteurs attendant dans la file, elle place son engin au milieu de la chaussée pour bloquer le passage. Alors que les klaxons retentissent et que les esprits s'échauffent, l'ignoble accident se produit sous leurs yeux incrédules et horrifiés, laissant dans son sillage un amas de sang, de tôles et de flammes. Tous se croient sauvés mais un poids lourd déboule de nulle part pour emboutir le véhicule tout terrain et emporter les décontractés étudiants dans les limbes infernales. Sortie sous l'injonction d'un policier, Kimberly doit la vie au réflexe de cet agent des forces de l'ordre, Thomas Burke, qui la pousse sur le bas-côté avec promptitude. Le groupe hétéroclite et hagard qui vient de réchapper de justesse au drame se réjouit tout en raillant la prétendue vision de leur sauveuse. Ils réintègrent rapidement leurs pénates en battant froid la jeune femme. Mais la Mort, elle, n'en a pas fini avec eux. Ils avaient déjà éludé leurs destins funestes à cause des répercussions des évènements du vol 180 et voilà qu'il s'extirpent à nouveau de ses serres acérées. Cette fois, elle les écrasera dans un raffinement cruel et vicieux, aucune échappatoire à son plan d'une efficacité et d'une précision géométrique. Le seul espoir serait personnalisé par Clear Rivers, l'unique rescapée de circonstances similaires, celle qui a pu jusqu'à ce jour "tromper la mort".
La vie de Brian. Dans sa logique implacable et vénale voici qu'Hollywood choisit d'offrir une séquelle au Destination Finale de Glen Morgan et James Wong cette paire de scénaristes-réalisateurs qui fit les beaux jours de shows télévisés tels que Millennium, The X-Files ou 21, Jumpstreet. Leur traitement malin-potache d'une idée simple – la Mort ourdit des plans pour nous tous et si, par miracle, nous les contrecarrons elle s'empresse, chipie, de nous traquer jusqu'à ce que tout soit rentré dans l'ordre – conférait à l'ensemble une indéniable empathie et une originalité trépanée. C'est que les deux hommes ont acquis une maîtrise paradoxale dans une forme d'humour noir et ironique sans jamais sombrer dans le grotesque cynique et distancié. Une véracité stimulante émanait de ce long métrage dont, pas une seconde, on aurait pensé à se moquer – nous rions des péripéties énormes et alambiquées des personnages mais pas de l'écrin qui les enserre. Le duo partit vers d'autres horizons (Willard sorti récemment aux Etats-Unis) il revient à David R. Ellis, un réalisateur de seconde équipe au parcours impressionnant (Matrix Reloaded, Matrix Revolutions ou Harry Potter Et La Chambre Des Secrets ) de reprendre le flambeau. Sous sa férule, Destination Finale 2 adopte une attitude étrangement élégante d'autant qu'il se réfugie dans une bien inhospitalière anfractuosité située sur la voie défoncée menant d'un Scream à un Scary Movie. Tout en mettant en scène des personnages et situations caricaturaux et outranciers, le film décortique le mécanisme relationnel d'un public blasé avec un genre à l'agonie, gangrené et amorphe, obligé de plagier et de vampiriser les uvres étrangères (Ring ou Dark Water pour une approche japonaise embrassant l'inconscient où c'est le public qui génère sa propre peur) pour assurer sa dérisoire subsistance. De fait le scénario famélique n'est envisagé que comme une fondation branlante des pires abjections sanguinolentes, pendables et repoussantes dont est capable le bourreau invisible dans sa sentence aussi savoureuse et sadique qu'inéluctable. En épurant le récit de toute forme de parasitage aussi bien ontologique, individualiste que sentimental, les scénaristes obtiennent – volontairement ou non – un idiome fluide et limpide (les morts s'enchaînant dans une linéarité saisissante), tout le contraire de poncifs maintes fois ressassés. L'équipe repousse le concept malingre dans ses derniers retranchements pour éprouver un existence où la mort est déjà tenue pour acquise et où seules les conditions drolatiques du trépas prévalent. Dans une telle situation, il s'agit d'une véritable chance de rester en vie car cela confère un espoir de s'offrir un décès toujours plus grandiose, mémorable et explosif ou pour reprendre l'une des répliques de Memento Mori : "L'important, c'est comment vous mourrez". L'aspect empesé d'une confrontation d'un groupe de teenagers avec un psychopathe irraisonné se dissout et s'évapore avec la vision de l'accident. Les survivants seront donc hétéroclites, mais cela importe peu au vu de leur statut de pantins emportés dans une sarabande macabre et condamnés à se coltiner avec l'ennemi pernicieux : le spectateur.
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Oxymore. La scène primitive du long métrage arrive curieusement après une demi-heure, lorsque Kimberly rend visite à Clear (au look et à la blondeur d'une Sheryl Lee échappée de Vampires). Le personnage de la brune candide s'égare dans un long couloir blanc, dépossédée de ses oripeaux d'adolescente proprette (portable, accessoires de mode...), pour rencontrer celle qui l'observe par le truchement des médias et comble de |
l'impertinence, l'admonester. Une entité démiurge et fascinante qu'il convient de charmer ou singer, dans une lucidité profane, pour accéder à une vision globale qui se fait ici triple : celle chevillée au corps, celle liée aux prémonitions et enfin celle délivrée par un écran (les trois apparaissant lors de l'accident). Par son attitude résignée et désabusée de recluse, il est difficile de ne pas voir dans le rôle d'Ali Larter l'apologue de la condition de spectateur. Ici une pièce blanche, aseptisée et capitonnée et là une salle obscure, calfeutrée et rassurante. Dans les deux postures, le visionneur du monde (l'écran de surveillance qui élargit la perception claustrale) s'en retranche, préférant par amusement ou phobie ne plus y prendre part. Après tout nous connaissons le premier opus et du fait de la conclusion choisie par les studios contre l'avis des auteurs nous sommes parfaitement conscient de la situation de sursis frappant des personnages devant une faucheuse dont la seule prérogative reste l'ergotement. David R.Ellis pousse donc le vice jusqu'à venir titiller son auditoire et l'ancienne héroïne diaphane pour éveiller en lui/elle le besoin irrépressible de rejoindre la farandole funèbre. Les persuader de l'intérêt indicible de cette suite en laissant de côté rationalisme et intelligence. Ce qu'il/elle fera, quitte à se brûler les ailes. La confusion jouissive du messianisme personnage (elle enclenche la lutte organisée contre le profanateur) / public (par son acceptation à sortir de la pièce confinée il donne vie au film et lui apporte la teneur des us et coutumes en vigueur) est pour beaucoup dans la saveur subtile de ce conte au pessimisme primesautier. Elle permet surtout d'insuffler une crâne ambivalence avec une sexualité affleurante et agressive. Mais une assurance désenchantée qui s'envole avec la chute d'un surf. En acceptant de revenir dans la danse, Clear, au même titre que nous, a abandonné sa faculté à présider à sa destinée. D'une icône de gourgandine aguicheuse (voir cow-boy gothique) et décontractée la voila transmuée en quelques minutes par l'imprécation d'un récit implacable. Par la suite une véritable identification s'opère entre le cerveau pénétré par les images et le personnage de Rory – le seul qui accepte, impavide, son trépas et qui stipule déjà ses dispositions testamentaires. Notamment dans la scène de réunion où Kimberly le domine (nous ne le voyons pas derrière le canapé) et insiste, excédée, en anticipant la remarque qu'il ou plutôt nous aurions pu faire. Décidemment, il convient de nous expliciter lourdement les enjeux afin de nous persuader de notre condition d'aliéné à la psyché atrophiée. Les réactions se font impulsives, inhibant les synapses interprétatives. Parfois un soubresaut, comme les deux jeunes femmes éclaboussées de sang qui se présentent à la porte de notre esprit pour ne signifier que là, franchement, il serait temps d'en mettre un coup pour tenter de résoudre l'énigmatique augure du fossoyeur enjoué. La communion (catalepsie ?) est parfaite, nous devenons le long métrage, en acceptons les raccourcis et les travers, et lorsque la réplique cartésienne de Kimberly au toujours impressionnant incinérateur Tony Todd (Candyman) lui demandant comment il connaît son prénom fuse il lui retourne un sourire amusé, de connivence, coupant court à l'incartade. Ses yeux pétillants semblent superposer à ses lèvres atones : "allons, tu sais bien qu'il ne sert à rien de s'enquérir de ce genre de choses, tu es la substance erratique et la matrice de ce conte sauvage, suis le mouvement en silence et remplis ton rôle". Avec le décès piquant de Rory – dans une scène cataclysmique à l'airbag jubilatoire – c'est la cohésion narrative qui se désagrège laissant entrevoir ses limites parfois fallacieuses ou dévotes, jusqu'au final bouffon et (d)étonnant où transparaissent enfin les intentions fardées de l'auteur quant à une satire d'un mode de vie occidental arrogant, désinvolte et vaniteux. Démembrer l'impertinence d'une culture affichant sa supériorité autant sur son corps que sur l'image par lesquels elle est assujettie. Nous voici face à une comédie dont le script totalement décérébré renvoie dans un torve reflet à notre dégénérescence non amaurotique mais psychosomatique.
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F.
Flament |
Film américain de David R. Ellis (2002). Suite des exactions jubilatoires de la Faucheuse qui déploie un raffinement sadique à décimer les pantins semi-lucides qui pullulent sur sa route. Avec Ali Larter (Clear Rivers)... Sortie française : le 9 Avril 2003.
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